Paul Signac et la Méditerranée.
En novembre 2021 paraissait une co-édition Gallimard-Musée d’Orsay du Journal jusqu’ici inédit de Paul Signac (1863-1935). Couvrant les années 1894-1909, ce journal débute alors que l’artiste est installé à Saint-Tropez depuis deux années. Le village lui inspirera, entre autres, des toiles comme Voiliers dans le port de Saint-Tropez (1893), La Bouée rouge (1895) et Le Pin Bertaud-Gassin (1909). Navigateur et cycliste chevronné, Paul Signac s’enfonça dans les terres et prit souvent le large. Les pages de son journal retranscrivent les multiples impressions que laissèrent les paysages sur sa rétine et son âme d’artiste. Loin des sollicitations de la métropole, sans s’en couper pourtant puisqu’il passe le plus souvent ses hivers à Paris, Paul Signac médite sa peinture, elle est au cœur de ses pensées ; un rien, une lumière, un coin ombragé, un motif quelconque, une houle par temps de mistral captent son regard et ne cessent d’interroger sa pratique picturale. Le journal devient alors une plongée intime dans le processus créatif de l’artiste et le montre en train de se dégager peu à peu du message de Seurat pour appliquer plus librement la technique de la division des couleurs.
L’histoire singulière du Journal s’inscrit également dans une plus vaste histoire, celle de la Troisième République. À travers ces pages, c’est aussi le temps des lois scélérates et de la répression de l’anarchisme, de l’affaire Dreyfus, des scandales politiques mais aussi de la vie intellectuelle et culturelle d’une époque qui défilent sous nos yeux. L’écriture est vive, libre et entière, sans complaisances. Au fil des jours, le récit d’une vie, d’une pensée se déroule et se frotte aux événements de son temps, au quotidien d’une vie tropézienne et varoise, aux surprises et aux désagréments des mondanités et, bien plus encore, aux mystères de l’art.
Parcourir les pages du Journal de Paul Signac et les associer aux œuvres réalisées durant cette période, c’est éclairer le parcours d’un peintre mais c’est aussi à travers les anecdotes, les humeurs, le regard acéré sur l’actualité et ce qui l’entoure la possibilité de découvrir la personnalité d’un homme engagé tant sur le plan artistique, politique qu’humain, au plus près de ses contradictions, de ses doutes et de ses fulgurances.
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Christophe LONGBOIS-CANIL est docteur en esthétique, diplômé d’histoire de l’art de l’université de Roma III et chercheur indépendant, spécialiste du concept de modernité – il a publié à ce sujet De moderne à modernité, les généalogies d’un concept aux éditions Klincksieck – et de la critique d’art au XIXème siècle, pour laquelle, il a collaboré, entre autres, à l’édition des Œuvres complètes d’Albert Aurier (publiée en juin 2021) et des Œuvres complètes de Félix Fénéon (encore en préparation) aux Éditions du Sandre. Il travaille actuellement sur le peintre néo-impressionniste Maximilien Luce sur lequel il finalise un essai intitulé Maximilien Luce et la Commune de Paris.
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