Marinus van der Lubbe : l’incendiaire du Reichstag
Dans la nuit du 27 au 28 février 1933, le Parlement allemand (Reichstag) de Berlin est ravagé par un incendie. Très rapidement, fut arrêté Marinus Van der Lubbe, un jeune Hollandais de 24 ans.
Les nazis qui tenaient déjà presque tous les rênes du pouvoir firent passer cet incendie pour un complot communiste. Ils arrêtèrent ainsi un responsable communiste allemand et trois communistes bulgares.
Les communistes affirmèrent qu’il s’agissait d’un complot nazi qui avait pour but de les mettre hors la loi. Pour eux, Marinus était un faible d’esprit manipulé par les nazis. C’est cette version que l’on retrouve encore aujourd’hui dans les dictionnaires, encyclopédies et autres manuels d’histoire.
Le principal intérêt du livre paru aux éditions Verticales est de rendre hommage à Marinus et de nous présenter sa véritable personnalité.
Marinus est né en 1909 à Leyde en Hollande. Il exerce très jeune le métier de maçon. Un accident de travail lui vaudra une pension d’invalidité partielle. Il devient travailleur précaire et se retrouve souvent au chômage. Il a été membre du Parti communiste hollandais mais a été très vite dégoûté par ses méthodes bureaucratiques et autoritaires. Ses positions se sont rapprochées de celles des communistes de conseils. Pour eux les conseils ouvriers doivent être l’expression des travailleurs en lutte qui n’ont pas besoin de directives venues d’en haut. Ils préconisaient l’autonomie des luttes sociales et l’auto-organisation. En 1932, Marinus a été rédacteur d’un journal de chômeurs où il défendait nettement ces positions.
Par ailleurs, Marinus était un routard avant l’heure. A partir de 1928, il fait plusieurs voyages à pied et en auto-stop à travers l’Europe. Il avait essayé d’entrer en URSS mais les autorités avait refusé de lui donner un visa et il avait été arrêté en Pologne. Il avait parcouru le nord de la France, l’Allemagne, la Yougoslavie et la Hongrie. Il souhaitait visiter la Turquie, la Georgie et même la Chine… La lecture de son Carnet de route nous le montre comme un esprit curieux et indépendant, épris d’entraide sociale et défenseur du communisme authentique.
Bien que partisans des actions collectives, les communistes des conseils n’étaient pas opposés à des actions individuelles si elles pouvaient radicaliser la lutte de classe. Aux Pays-Bas, Marinus avait déjà brisé les vitres d’un Bureau d’aide sociale. Pour l’incendie du Reichstag, c’est tout seul qu’il prit sa décision et qu’il passa à l’action. Comme il l’affirma en détention puis pendant son procès, il n’avait aucun complice. Il pensait que son action pouvait déclencher une résistance plus active au fascisme.
Face aux calomnies communistes et nazies, Marinus était bien isolé. Après la publication d’un Livre brun par les communistes, ses amis hollandais publièrent un Livre rouge. Ces informations furent reprises en France par des anarchistes tels qu’André Prudhommeaux ou de défenseurs de l’objection de conscience comme Alphonse Barbé dans la revue Le Semeur.
Mais Marinus était un coupable idéal. Il fut décapité le 10 janvier 1934.
Yves Pagès et Charles Reeve ont réuni divers textes de Marinus : son carnet de route, sa correspondance, les articles du Journal du Comité des chômeurs de Leyde ainsi que ses déclarations à la police et pendant son procès. Ils sont complétés par une longue biographie panoramique, divers textes de soutien de l’époque et une postface en forme de réhabilitation.
Carnets de route de l’incendiaire du Reichstag et autres écrits par Marinus Van der Lubbe ; documents traduits du néerlandais par Hélène Papot ; présentés et annotés par Yves Pagès et Charles Reeve. Verticales, 2003. 294 p. 18 €.
Felip Equy