Michel Desmars 1942-2021

Michel Desmars en 1968

Michel Desmars est décédé le 21 décembre, à 79 ans. Figure rouge et noir du mois de Mai 68 à Tours en Indre-et-Loire, cheminot et syndicaliste révolutionnaire, internationaliste, il fut tout cela à la fois.  Lire la suite ici

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René Bourdet 1931-2021

Poète, comédien, paysan, pacifiste, philosophe, anarchiste…
Auteur des « Mutins de la Courtine », sur les soldats russes qui ont refusé d’obéir aux généraux français en 1917…

Bourdet

Martín Arnal Mur 1921-2021

martin-arnal

Décès de Martín Arnal Mur, guérillero libertaire, collectiviste et antifasciste aragonais

C’est une triste nouvelle pour le mouvement libertaire et une perte incalculable pour la récupération de la mémoire historique d’Aragon. Martín Arnal a toujours été impliqué dans la diffusion de ses idées anarchistes et était l’un des rares témoins vivants de l’époque de la guerre de 1936. Il aurait eu 100 ans le 12 novembre. Il est décédé jeudi 21 octobre en France. Lire la suite sur le Blog de Floréal

Hasta siempre Compañero

Notre compagnon Martín Arnal, l’un des derniers acteurs et témoins de la Révolution espagnole de 1936, nous a quitté. Les compagnons de la CNT-AIT de Montauban qui ont été présents à ses côté jusqu’aux derniers instants lui rendent hommage.

Martín Arnal Mur est né le 12 novembre 1921 à Angües en Espagne. Jeune paysan aragonais et fils de paysan, très  peu scolarisé  mais d’une grande curiosité a appris très vite à  lire et écrire. Élevé  dans les valeurs de partage, de solidarité et de liberté  il devient vite  membre des jeunes libertaires dès 1936. Curieux de tout, aux contacts des athénées libertaires, il s’ouvre à tout événement culturel populaire. Théâtre,  musique, lecture,  histoire, etc. Ses frères aînés dans les « giras » de la CNT-AIT, les dimanches, lui montrent la voie. Il devient anarchiste et anarchosyndicaliste très  tôt.

Militant pacifiste et anarchiste il a en horreur la guerre et les armes. Et c’est bien malgré  lui qu’il se retrouvera plus tard en uniforme et portant une arme. Loin d’être  un « Guerrillero », Martín est un farouche défenseur  de la vie, et parce qu’anarchiste il s’affirme comme militant de la paix,

Mais l’histoire le rattrape avec les arrestations et les assassinats de ses deux frères ainés, fusillés  par les franquistes. – Jose mort le 23 aout 1936, Roman mort en février 1937-. Anti fasciste, et ardent défenseur de la liberté il va alors lutter et rentrer en résistance.

En juillet 1936, il participe à  la Révolution sociale qui éclate en Espagne [1] dans la « colectividad de Angües » et prône le Communisme libertaire : collectivisation des terres et des biens communs (troupeaux, matériel, récoltes), abolition de l’argent… autant de réalisations concrètes et non d’utopies…

A la rupture du Front de Huesca il bat en retraite et passera une première fois, en mars 38, les Pyrénées . Envoyé en convoi à  Angoulême  il s’évade  et à  pied regagne le Sud-Ouest pour rejoindre par la suite sa famille arrivée en  Catalogne espagnole. Puis avec la défaite, c’est la seconde « retirada » en 1939, On le retrouve dans le camp de concentration d’Argelès sur mer.

Après 4 mois Il en sort en intégrant la 180ème division compagnie de travailleurs étrangers CTE et est envoyé pour fortifier la ligne Maginot. Lors d’un bombardement en 1940 il s’évade et part de nouveau à pied rejoindre Lisle sur Tarn où  sont ses parents.

Là, il va travailler à l’organisation clandestine de la CNT-AIT [2], et rejoint, en 1942, la résistance sur le secteur Salvagnac Gaillac groupe 11 de la 7ème brigade des Guérilleros espagnols rattaché aux Forces Françaises de l’Intérieur. Il participera aux actions qui ont évité la présence allemande à Gaillac, et aussi, à la libération d’Albi en 1944.

En septembre 44 il part avec le 186 ème bataillon FFI participer aux opérations de pénétration organisées par la « UNE » ; en octobre 44, son groupe composé de 5 hommes basé à Saint Lary Soulans aura pour mission la surveillance et la reconnaissance du territoire frontalier, le passage ou l’exfiltration de guérilleros.

Il le dira bien plus tard: « Nous avons commis une seule erreur : notre participation à  la guerre au lieu d’assoir et confirmer l’œuvre de la révolution sociale. »

Dès  la fin de la guerre on le retrouve comme bûcheron, journalier agricole puis paysan  artisan maçon .Avec sa Compagne Angela, jeune Andalouse, qui sera de tous ses combats, il fonde une famille sans oublier sa terre natale. Il va alors consacrer ses efforts à la reconstruction de la CNT Espagnole en exil sur Toulouse (MLE-CNT de l’exil). Martín, sachant l’importance qu’il faut accorder aux faits, n’aura de cesse de lutter pour la justice et la vérité  historique loin des manipulations et des tentatives de réécriture partisanes. Il est un des co-fondateurs du Centre Toulousain de L’Exil Espagnol. Militant de la CNT-AIT, toujours du côté  des plus fragiles, la solidarité  et l’appui mutuel chez lui n’étaient pas de vains mots.

De retour en 1968 à  Angūes dans son village natal, il rentrera définitivement dans celui-ci après  la mort de Franco.

Depuis il concentra ses efforts quotidiens au travail de mémoire historique, ouverture des fosses communes afin de rendre justice et dignité  aux victimes assassinées. En 2018 il retrouve les restes de son frère Roman dans le cimetière de « los martires »à Huesca, 81 ans après son assassinat.

Mais Martín ne vivait pas que dans le passé.  Combien de fois intervenant en milieu scolaire, lieux alternatifs ou villages occupés, Martín par sa présence s’intéressant toujours à un autre futur, prenait tout son temps pour échanger avec la jeunesse. Au- delà  de son combat pour la mémoire, Martín a été un pédagogue convaincu portant aussi grand intérêt  à  la transmission.

Autodidacte érudit, il apprit très vite l’espagnol, l’aragonais le français l’occitan et l’espéranto. Par ses lectures incessantes – Martín depuis 1949 lisait et écrivait tous les jours après le travail – il enrichissait sa réflexion d’été humain engagé.

Martín a été aussi un homme qui aimait la rencontre et un passeur d’idées et de valeurs. Son regard sur le monde loin des idéologies, sa philosophie, nous ont donné une belle leçon de vie, humble et digne mais déterminée sans dieu ni maitre.

Martín était un « gran Compañero ».

Hasta siempre Martín !

Ses compagnons de la CNT-AIT de France

Bibliographie de Martín Arnal Mur :

Memoria de un anarquista de Angües 2009.2018 ed comuniter

Ecos de un lugar cualquiera 2018 ed comuniter

Sin romper el hilo de nuestra historia 2021 ed Zoila Acasibar

A lire aussi son interview donnée au Salto:

https://www.elsaltodiario.com/memoria-historica/entrevista-martin-arnal-habr%C3%ADa-matado-franco

[1] sur la Révolution espagnole cf.19 JUILLET 36, REVOLUTION SOCIALE ET VICTOIRE SUR LE FASCISME http://cnt-ait.info/2021/07/18/19-juillet-36-revolution-sociale-et-victoire-sur-le-fascisme/

[2] Sur la participation des anarchistes espagnolsà la résistance française et la reconstruction de la CNT-AIT espagnole en exil cf nos brochures « ANARCHISTES, PAS REPUBLICAINS … DES ANARCHISTES ESPAGNOLS EN RESISTANCE » ( http://cnt-ait.info/2021/01/10/anars-pas-republicains/) et notamment « 19 Juillet 1944 : EXILIO, première publication clandestine de la CNT-AIT espagnole en exil » (http://cnt-ait.info/2020/07/19/exilio/)

Julos Beaucarne 1936-2021

Julos Beaucarne

Lire l’hommage sur le site du Monde Libertaire : https://www.monde-libertaire.fr/?article=Julos_tu_nous_lavais_toudis_promis

Lettre à Kissinger

j’veux te raconter Kissinger
l’histoire d’un de mes amis
son nom ne te dira rien il était chanteur au Chili

ça se passait dans un grand stade
on avait amené une table
mon ami qui s’appelait Jara
fut amené tout près de là

on lui fit mettre la main gauche
sur la table et un officier
d’un seul coup avec une hache
les doigts de la gauche a tranché

d’un autre coup il sectionna
les doigts de la dextre et Jara
tomba tout son sang giclait
6000 prisonniers criaient

l’officier déposa la hache
il s’appelait p’t’être Kissinger
il piétina Victor Jara
chante dit-il tu es moins fier

levant les mains vides des doigts
qui pinçaient hier la guitare
Jara se releva doucement
faisons plaisir au commandant

il entonna l’hymne
de l’unité populaire
repris par les 6000 voix
des prisonniers de cet enfer

une rafale de mitraillette
abattit alors mon ami
celui qui a pointé son arme
s’appelait peut-être Kissinger

Cette histoire que j’ai racontée
Kissinger ne se passait pas
en 42 mais hier
en septembre septante trois

Pietro Ferrua 1930-2021

Pietro Ferrua

Le fondateur du CIRA est mort le 28 juillet 2021 à Portland, Oregon, États-Unis.`

Il était né à Sanremo le 18 septembre 1930, d’une mère à la maison et d’un père croupier au casino. Tout jeune, il servit d’estafette à la Résistance. À la libération, il forma à Sanremo, avec deux compagnons, le groupe anarchiste Alba dei Liberi. Tous trois refusèrent de faire leur service militaire. Emprisonné en 1950 pour objection de conscience, Ferrua vécut ensuite dans une semi-clandestinité, co-organisant des campings libertaires internationaux, rédigeant la revue Senza limiti (1952-1954, 5 numéros), travaillant sur des chantiers du Service civil international. —- Il est arrivé en Suisse en 1954 pour échapper à la prison, et a d’abord été hébergé chez Lise Ceresole, veuve du fondateur du Service civil international, au Daley-sur-Lutry, puis il s’est installé à Genève pour y faire des études d’interprète-traducteur. Il y a retrouvé des compagnons anarchistes qu’il a engagés à poursuivre le travail de Louis Bertoni; c’est ainsi qu’en 1957 reparut une série du Réveil anarchiste/Risveglio anarchico, mensuel pendant une année puis irrégulier. Y collaboraient notamment Alfred Amiguet et André Bösiger pour la partie française, Claudio Cantini, Carlo Frigerio, Carlo Vanza et Ferrua (sous la signature de Vico) pour la page en italien.

La même année, il lança le projet d’une exposition sur la presse anarchiste du monde entier; il envoya quantité de lettres avec des succès variés. C’est de là qu’est née l’idée du Centre international de recherches sur l’anarchisme (CIRA), pour conserver les périodiques qui arrivaient. Les ouvrages récupérés de la bibliothèque de Louis Bertoni et du groupe Germinal de Genève sont venus s’y ajouter, puis un grand nombre de livres ayant appartenu à Jacques Gross et à d’autres militants qui adhérèrent tôt au projet, Hem Day, E. Armand, André Prudhommeaux, la SAC suédoise, etc. Par la suite, le CIRA reçut les archives du SPRI et de la CRIA (Secrétariat provisoire aux relations internationales et Commission de relations internationales anarchistes, 1947-1958) qui restèrent longtemps empaquetées et n’ont été inventoriées que quarante ans plus tard.

Pietro Ferrua a toujours cherché à obtenir la reconnaissance du courant anarchiste dans les milieux intellectuels et universitaires. À cette fin, il tâcha de réunir un comité d’honneur international du CIRA, réunissant des chercheurs et des militants; cela eut un certain écho, mais il essuya aussi plusieurs refus. Il développa les contacts avec la Bibliothèque universitaire et celle des Nations Unies à Genève, alors que le CIRA était encore constitué de caisses de journaux et de piles de livres sur les étagères branlantes d’une chambre.

Il avait aussi réuni des étudiants et jeunes chercheurs pour aider au catalogage, organiser des conférences, publier (et polycopier) le Bulletin du CIRA. En 1955, au camping anarchiste de Salernes (Var, France) s’étaient organisées des filières pour réfractaires français, algériens ou italiens. Plusieurs résidaient à Genève, où la frontière n’était pas difficile à passer. Dans un élan de solidarité internationale, quatre jeunes gens lancèrent quelques bouteilles incendiaires contre le consulat d’Espagne, en février 1961, ce qui suscita un important mouvement d’opinions favorables, mais aussi des arrestations et des expulsions. Pietro Ferrua dut quitter la Suisse en janvier 1963, laissant le CIRA à Marie-Christine Mikhaïlo et Marianne Enckell qui l’ont repris au pied levé; avec sa femme brésilienne et leurs deux enfants, il partit vivre à Rio de Janeiro. Il y reprit rapidement ses activités intellectuelles et militantes, fondant notamment la section brésilienne du CIRA, jusqu’à une nouvelle expulsion en octobre 1969; grâce à des liens familiaux, il trouva un nouveau havre aux États-Unis, à Portland, Oregon.

Il put y enseigner de 1970 à 1987 au Lewis and Clark College; il était chargé des langues étrangères, de la littérature comparée et de l’histoire du cinéma. Il s’intéressait depuis toujours aux formes artistiques et littéraires d’avant-garde: il organisa en 1976 le Premier symposium international sur le lettrisme et publia plusieurs travaux et œuvres dans ce domaine; il était aussi membre de l’Internationale novatrice infinitésimale (INI). Il fallut de longues annnées pour qu’il puisse revenir en Europe, quand ses interdictions de séjour en Italie, en France et en Suisse furent enfin levées; il résida alors quelque temps à Nice et à Sanremo, où il prenait soin de sa mère.

L’intérêt pour l’anarchisme ne le quittait pas. En 1980, il parvint à organiser dans son université une semaine internationale de débats, de films, de concerts et d’événements sur l’anarchisme, malgré des craintes irrationnelles de la hiérarchie. Il publia des études sur Surréalisme et anarchie, Anarchisme et cinéma, Les anarchistes vus par les peintres, ainsi que deux livres importants sur les anarchistes dans la révolution mexicaine et un bilan des sources à ce sujet, et poursuivit ses recherches sur les origines de l’objection de conscience en Italie.

Il donna aussi des articles à A rivista anarchica, ApArte et à la Rivista storica dell’anarchismo, à la revue Art et anarchie, aux Bulletins du CIRA de Genève/Lausanne et de Marseille, à des publications brésiliennes et à nombre d’autres revues et ouvrages collectifs.

À sa retraite, il obtint encore quelques mandats d’interprète, mais vécut chichement, ce qui le contraignit à vendre une partie de ses archives. Il organisa toutefois des festivals de cinéma, participa à divers colloques internationaux, poursuivit plusieurs recherches.

Ces dernières années, sa santé s’était détériorée. Il avait eu la douleur de perdre prématurément sa fille Anna et son fils Franco; sa femme Diana Lobo Filho est aussi décédée avant lui. Quelques ancien·ne·s élèves qui étaient restés proches de lui ont pu l’accompagner fidèlement jusqu’à ses derniers jours, alors qu’il résidait dans un établissement hospitalier et ne parlait plus.

Certaines des archives de Pietro Ferrua ont été dispersées ou saisies lors de ses exils successifs, mais il en avait conservé et reconstitué une grande partie. Elles ont été versées (ou le seront prochainement) à l’Archivio Famiglia Berneri à Reggio Emilia (Italie), à la Labadie Collection de l’Université d’Ann Arbor (Michigan, États-Unis) et au CIRA de Lausanne.

L’initiative de Ferrua a donné naissance à d’autres CIRA, à la vie longue ou éphémère, mais regroupés depuis 1974 sous divers noms dans le réseau FICEDL (Fédération internationale des centres d’études et de documentation libertaire, ficedl.info).

août 2021 / ME, CIRA Lausanne